Production 2023-2025
– À Propos –
Diary of Eve’s land est un projet de vidéo-installation qui décrit, à travers 5 courts-métrages, le regard intérieur de femmes saoudiennes et leurs luttes au quotidien, pour équilibrer les attentes de la société conservatrice avec leurs propres aspirations personnelles. Il s’agit d’une psychologue divorcée, d’une médecine, d’une étudiante en soins infirmiers, d’un directeur d’une société informatique et d’une étudiante immigrée à l’université en ligne. Malgré les restrictions imposées par leur environnement, chaque personnage confie ce qu’il pense de sa vie et de sa profession dans sa propre manière. La rencontre avec elles m’a apporté une surprise infinie et j’ai découvert des aspects inconnus de ce pays, tels que l’anthropologie, l’histoire et la vie quotidienne, qui sont encore cachés de notre point de vue européen et asiatique. Il fait aussi partie de mon journal intime avec des rencontres avec des femmes saoudiennes pendant mes séjours à Djeddah pendant 3 semaines entre novembre et décembre 2023.
Ce projet a été sélectionné par le prix et la bourse de déplacement d’une fondation japonaise, le Travel Award Allotment en mai 2023.
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C’est Sally, la première qui m’a parlé de la ville de Djeddah, en Arabie Saoudite. Je me souviens qu’elle m’ait dit :
– Ça vient de جدة, Jaddah, le mot arabe pour « grand-mère » et aussi ce nom viendrait du fait qu’Ève, considérée comme la grand-mère de l’Humanité, serait enterrée à Djeddah.
J’ai rencontré Sally au printemps 2022, à Paris. Sally est designer industriel et travaille dans un bureau côtoyant sur un pied d’égalité ses collègues masculins. Sally me fit ensuite rencontrer ses amies et puis une de ses sœurs. Zeina, Asmaa, Rouaa étaient graphiste, cinéaste, dentiste… Leurs présences et la vision qu’elles avaient de la vie déplaçaient les idées préconçues que j’avais de ce pays. J’y voyais aussi des similitudes avec le Japon dont je viens. Toutes ces femmes avaient pour point commun de venir de Djeddah.
Mon travail artistique a pour point de départ des événements qui touchent ma vie personnelle, ma vie intime même, notamment des rencontres. Une conversation avec Sally sur les pressions matrimoniales en Arabie Saoudite lui rappelle les similitudes avec le Japon, notamment en ce qui concerne des attentes encadrées concernant nos rôles et notre avenir.
Sally me dit un jour que sa sœur ne souhaitait pas revenir en Arabie Saoudite. Elle venait d’obtenir un doctorat de médecine dentaire au Royaume-Uni, et avait une belle carrière devant elle dans son pays, mais elle se trouvait trop âgée pour pouvoir espérer trouver un mari. C’était une question que je m’étais posée moi aussi en 2013, l’année de mon diplôme à l’École Supérieure des Beaux-arts de Montpellier. Je lui avais alors répondu :
– Au Japon c’est la même chose, à 33 ans tu es une vieille fille ! Le mieux que j’aurai pû espérer là-bas, c’est un vieillard ou un idiot. Et il m’aurait demandé tous les jours pourquoi je suis encore aux études !